LA CALCIFICATION
DEFINITION (synonyme: minéralisation, imprégnation calcique)
Dépôt anormal de sels de calcium dans un tissu normalement non minéralisé : on parle de calcification hétérotopique.
Il existe deux types de calcification :
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Calcification métastatique : dépôt de calcium lors d’hypercalcémie prolongée due à certains troubles métaboliques.
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Calcification dystrophique : dépôt local dû à un trouble tissulaire local, sans perturbation du métabolisme calcique ou de la calcémie.
Ces lésions sont persistantes et peuvent perturber le bon fonctionnement des organes en fonction de leur localisation et quantité.
Mécanisme de la régulation phosphocalcique
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NB : la calcification du tissu osseux est physiologique et non pathologique. De plus, il ne faut pas confondre calcification hétérotopique (calcium seul) et ossification hétérotopique (calcification associée à du tissu osseux) qui est par exemple fréquemment retrouvée dans le milieu interstitiel pulmonaire des vieux chiens.
PATHOGENIE & ETIOLOGIE
Calcification métastatique :
Il existe cinq grandes causes d’hypercalcémie à l’origine de calcifications métastatiques. Elles mettent en jeu des processus chroniques :
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Lors d’hyperparathyroïdisme primaire (tumeur sécrétante des glandes parathyroïdes), il se produit une hausse de la sécrétion de la parathormone (PTH) qui a une fonction hypercalcémiante.
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En cas d’insuffisance rénale chronique, un défaut d’excrétion de phosphore induit une hausse de la sécrétion de PTH qui est hypo-phosphatémiante (mais aussi hypercalcémiante). On parle d’hyperparathyroïdisme secondaire.
Exemple : lors d’insuffisance rénale chronique, une urémie parfois élevée se met en place. Elle peut être à l’origine de lésions nécrotiques, en particulier de la paroi gastrique, sur laquelle peuvent apparaitre des calcifications causées par l’hypercalcémie associée.
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L’intoxication à la vitamine D, souvent alimentaire, provoque une hypercalcémie par son action hypercalcémiante.
Exemple : certains produits contenant des précurseurs de la vitamine D active comme des rodenticides (contenant du cholecalciferol), certaines crèmes utilisées par le propriétaire pour traiter le psoriasis.
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L’hypercalcémie peut également être un syndrome paranéoplasique, surtout chez le chien. En effet, certaines tumeurs sécrètent une hormone appelée la PTH-related protein (PTHrP) qui a exactement les mêmes effets hypercalcémiants que la PTH. On parle de pseudo-hyperparathyroïdisme.
Exemple : le lymphome ou l’adénocarcinome des sac anaux chez le chien.
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Certaines tumeurs osseuses primaires ou métastases qui provoquent une lyse osseuse généralisée provoquent une hausse du calcium sanguin.
Exemple : myélome multiple.
Ces calcifications ont lieu dans des tissus sains, en particulier la paroi des vaisseaux (intima et média), au niveau des poumons, des plèvres, des reins, de l’endocarde et de l’estomac.
Rappel : Diagnostic différentiel de l’hypercalcémie « HOGS IN YARD »
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Hyperparathyroïdie primaire : lésion primaire des glandes parathyroïdes.
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Ostéolyse : certaines tumeurs osseuses généralisées (myélome multiple) provoquent une ostéolyse suffisante pour générer une hypercalcémie.
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Granulomatous : lors de certaines inflammations granulomateuses, les macrophages synthétisent un analogue de la vitamine D qui a un effet hypercalcémiant.
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Spurious : Erreur pré-analytique (prélèvement sanguin, mauvaise conservation etc.) ou erreur de la machine.
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Idiopathique
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Néoplasie : certaines tumeurs sécrètent de la PTHrP ayant le même rôle hypercalcémiant que la PTH. C’est surtout le cas chez le chien lors de lymphome, adénocarcinome des sac anaux ou de carcinomes.
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Youth : pour les animaux en croissance osseuse.
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Addison (maladie d’) : dans 30% des cas.
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Rénal : hyperparathyroïdie secondaire consécutive à une anomalie rénale primitive.
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D Vitamine : toxicose à la vitamine D.
Calcification dystrophique :
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Lors de nécrose cellulaire, les cellules subissent des dégâts importants et perdent un certain nombre de facultés dont celle de réguler le calcium. A la mort de la cellule, les sels de calcium se forment et se déposent dans le milieu interstitiel.
Exemple : ischémie, nécrose caséeuse de granulomes tuberculeux, granulomes parasitaires, tissu adipeux nécrotique, syndrome urémique etc.
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Les tissus sclérosés ont aussi tendance à se calcifier.
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Calcification cutanée :
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Calcinosis circumscripta : ces dépôts de calcium ont lieu dans des tissus sous-cutanés sains en particulier au niveau de la langue, des proéminences osseuses des membres et des coussinets. La cause est souvent idiopathique bien que certains évoquent des traumatismes tissulaires répétés. Fréquemment, une réaction inflammatoire granulomateuse à « corps étranger » est associée ainsi qu'une fibrose, d'autant plus importantes que la lésion est ancienne.
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Calcinosis cutis : surtout chez le chien, lors d’hypercorticisme (syndrome/maladie de Cushing, cause iatrogène), des calcifications cutanées peuvent apparaitre en particulier au niveau de la région dorsale du cou, la région des grands plis (inguinale et axillaire). Ces lésions sont associées à d’autres lésions cutanées comme une alopécie tronculaire, une peau fine et plus fragile (retard de cicatrisation, infections etc.).
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Schéma étiologique récapitulatif de la calcification
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ASPECT MACROSCOPIQUE
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Couleur : dépôts blanchâtres
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Taille/Forme : variable
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Consistance : dure, crissante, indurée
La plupart du temps, il s’agit de dépôts focaux, mais lors de certaines pathologies, on peut observer une minéralisation plus diffuse, notamment au niveau pulmonaire ou rénal.
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Les calcifications peuvent prendre différents aspects :
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soit ressembler à une fine « poudre blanche » apposée sur le tissu ou le long des vaisseaux (tête de flèche, 1, 2),
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soit former des dépôts plus épais en placard ou en stries (flèche, 3,5).
Rarement, une calcification diffuse peut survenir donnant une consistance dure et crissante à tout le tissu (4).
https://noahsarkive.cldavis.org, photos F08168-F33733-F19108-F05707-F33732.
ASPECT MICROSCOPIQUE
Lors de calcification, on observe des dépôts granuleux ou hyalin/amorphe de sels de calcium dans le milieu interstitiel au niveau de tissus normalement non minéralisés. Ils apparaissent bleutés-violacés (basophiles) en coloration standard HES. La coloration spéciale Von Kossa colore les minéralisations en noir.
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Calcification (muscle, chien) : foyer de minéralisation (pointillé) dans le milieu interstitiel à une localisation anormale (ici, le muscle que l’on reconnait par la présence de fibres musculaires (*)). EnvA
Calcification dystrophique (tumeur mammaire, chat) : foyer de minéralisation (*) au sein d’un tissu osseux (pointillé) retrouvé dans une masse mammaire. L’aspect strié est une conséquence de la coupe du prélèvement. De la nécrose est observée en périphérie. EnvA
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Calcification métastatique (estomac, chien) : minéralisation diffuse de la paroi de l’estomac dans un contexte d’hyperparathyroïdie secondaire à une maladie rénale chronique. Les sels de calciums basophiles diffus sont plus aisément visualisables après la coloration spéciale Van Kossa et apparaissent noirs. Zachary, 2017
Cas particulier des calcifications cutanées :
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Calcinosis circumscripta : on retrouve des agrégats nodulaires de matériel granuleux à amorphe basophile (calcium) dans un tissu sain plus ou moins associés à une réaction granulomateuse périphérique à corps étranger (macrophages, cellules géantes multinucléées) et une fibrose.
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Calcinosis cutis : ces mêmes agrégats (calcium) sont associés aux anomalies cutanées fréquemment retrouvées lors d'un hypercorticisme comme une atrophie de l’épiderme, des follicules pileux et du derme avec notamment une raréfaction des fibres de collagène et une hyperkératose des follicules à l’origine de comédons. Une réaction granulomateuse à corps étranger peut être associée.
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Calcinosis cutis (peau, chien) : on peut observer de larges plages de minéralisation diffuses (*, à gauche) ou bien plusieurs foyers (tête de flèche, à droite). On peut également noter la faible épaisseur de l’épiderme qui traduit son atrophie. Sur la photo de droite, on observe une réaction granulomateuse associée avec la présence de cellules géantes multinucléées (flèche), Doerr et al., 2013.
L’Essentiel
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On distingue deux types de calcification : en lien ou non avec une hypercalcémie systémique.
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C’est une lésion permanente.
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Les calcifications métastatiques mettent en jeu des processus chroniques.
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Une coloration spécifique existe : celle de Von Kossa.
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Penser au syndrome/maladie de Cushing en cas de lésions calciques cutanées.