L'INFLAMMATION GRANULOMATEUSE
DEFINITION
Inflammation chronique caractérisée par la prédominance de macrophages et de dérivés différenciés (macrophages épithélioïdes, cellules géantes multinucléées).
Elle intervient le plus fréquemment lors d’éléments pathogènes persistants et difficilement éliminables par la réaction inflammatoire aiguë. La lésion formée par cette inflammation est le granulome, une lésion classiquement nodulaire, bien délimitée, circonscrite autour de l’agent causal. Plus rarement, il peut s’étendre et la lésion devient plus diffuse. On distingue deux types de granulome :
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Granulome immunitaire : contient souvent un centre nécrotique caséeux pâteux blanc-jaunâtre (aspect de fromage). C’est le type de granulome que l’on retrouve plutôt lors de processus infectieux bactériens comme la tuberculose.
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Granulome à corps étranger (non immun) : à l’inverse, il n’y a pas de centre nécrotique.
Il existe un cas particulier, le granulome éosinophilique, où l’on observe en plus des nombreux macrophages, une importante population de granulocytes éosinophiles associée. Il peut être trouvé lors d’atteinte parasitaire ou de manière idiopathique (suspicion de composante allergique) comme chez le chat dans le complexe granulome éosinophilique félin.
Schéma des deux principaux types de granulomes
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NB : une fois encore, la barrière entre différents types d’inflammation peut être plus ou moins floue. Ainsi, il n’est pas rare de voir associée une composante suppurée au centre de la lésion. Le granulome créé porte alors le nom spécifique de pyogranulome.
PATHOGENIE & ETIOLOGIE
Une réaction granulomateuse se développe lors de la présence d’éléments déclenchant une réponse immunitaire mais qui sont très résistants et difficilement dégradables. On distingue comme principales causes :
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Corps étrangers endogènes : ce sont des éléments faisant partie de l’organisme mais qui sont perçus comme étrangers généralement du fait d’une localisation/présence anormale.
Exemple : granulome spermatique initié par la présence anormale de spermatozoïdes dans le milieu interstitiel après rupture d’un conduit séminifère, granulome déclenché par des imprégnations lipidiques dans le parenchyme d’un organe (on parle de xanthogranulome).
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Corps étrangers exogènes : ce sont de véritables éléments étrangers à l’organisme responsables du déclenchement d’une inflammation.
Exemple : compresse oubliée lors d’une chirurgie, fils de suture, élément végétal ou minéral (silice…), matériaux etc.
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Agents infectieux : il s’agit surtout d’agents fongiques ou parasitaires (principalement les helminthes et dans une moindre mesure des protozoaires) ainsi que certaines bactéries.
Exemple de bactéries : Mycobacterium spp., Actinomyces spp., Actinobacillus spp…
Exemple de champignons : Blastomyces, Cryptococcus, Histoplasma…
Exemple de d’helminthes : beaucoup d’espèces comme Angiostrongylus vasorum, par leur migration, leurs oeufs ou larves.
Exemple de protozoaires : Leishmania spp., Neospora spp….
Cas particulier de la Péritonite infectieuse féline (PIF) causée par un coronavirus : dans la forme sèche, une vascularite moins importante que dans la forme humide est responsable d’un afflux de macrophages et de granulocytes neutrophiles en région périvasculaire. Cela aboutit alors à la présence de pyogranulomes sur le trajet des vaisseaux.
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Des causes auto-immunes ou idiopathiques beaucoup plus rares.
Cas du granulome éosinophilique :
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Parasites : lors d’atteinte parasitaire, en particulier d’helminthes, des granulocytes éosinophiles peuvent être réquisitionnés lors de l’inflammation.
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Idiopathique : c’est surtout vrai chez le chat qui peut développer un Complexe granulome éosinophilique félin. Même si une composante allergique est soupçonnée, aucune preuve n’a réellement été démontrée. Ce syndrome est caractérisé par l’association de trois types de lésions cutanées et cutanéo-muqueuses :
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des plaques éosinophiliques prurigineuses en région abdominale et sur la face interne des cuisses.
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des granulomes éosinophiliques linéaires au niveau de la face, de la cavité buccale, des coussinets ou des cuisses.
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des ulcères atones principalement au niveau des lèvres.
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Schéma étiologique récapitulatif des inflammations granulomateuses
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ASPECT MACROSCOPIQUE
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Couleur : blanc-grisâtre
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Taille/Forme : nodulaire et circonscrite (granulome), parfois plus diffuse et mal délimitée associée à une tuméfaction de l’organe (infiltrat diffus)
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Consistance : ferme, dure
NB : un granulome peut être unique plus ou moins volumineux (comme pour un granulome à corps étranger par exemple) ou alors multiples (plutôt lors d’atteinte infectieuse).
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Lors d’inflammation granulomateuse, on retrouve la présence de granulomes, lésions nodulaires et blanchâtres (tête de flèche, *). Ils peuvent être : de taille variable, unique (5), présents en faible quantité (1,3) ou bien très nombreux et multifocaux (2,3,7) à coalescents (4,5). La photo 7 montre une hépatite granulomateuse dans le cadre d’une infection par une mycobactérie. Enfin, dans de rares cas, une inflammation granulomateuse peut être diffuse et affecter tout le parenchyme. EnvA ; https://noahsarkive.cldavis.org, photos F19150-F32910-F28498-F01422-F28495-F31915-F01546
Complexe granulome éosinophilique félin
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Plaque éosinophilique cutanée : plaque érythémateuse rosé à jaune-orangé, alopécique, hyperplasique, plus ou moins érodée et ulcérée, unique ou multifocale. Localisée le plus souvent sur l’abdomen ventral ou la face interne des cuisses.
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Granulome éosinophilique cutanée : nodule/papule, rosé à jaune-orangé, alopécique, plus ou moins ulcéré, unique ou multifocaux, souvent linéaires. Localisé sur la face, la cavité buccale, les coussinets ou la face interne des cuisses.
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Ulcère atone : ulcère non douloureux, sur la lèvre supérieure, uni ou bilatéral.
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Les plaques éosinophiliques (tête de flèches) peuvent être érythémateuses et hyperplasiques (1) ou jaune-orangé (2). La photo (3) montre des ulcères atones bilatéraux sur les lèvres. Les granulomes éosinophiliques (flèches, 4) peuvent prendre cet aspect linéaire caractéristique.
https://noahsarkive.cldavis.org, photos F23287-F13927-F28196-F34168
ASPECT MICROSCOPIQUE
Rappel :
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Macrophage : cellule de forme variable, avec un cytoplasme abondant, clair, légèrement éosinophile et plus ou moins vacuolisé, avec un noyau central ovoïde (ovale ou réniforme). Des éléments étrangers peuvent être aperçus au sein de leur cytoplasme après une phagocytose.
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Macrophage épithélioïde : cellule plus volumineuse, allongée ou arrondie, au cytoplasme éosinophile plus abondant avec des marges cellulaires indistinctes et un noyau clair et ovoïde (allongé, ovale), surtout visibles lors de granulomes immunitaires.
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Cellule géante multinucléée : cellule issue de la fusion de macrophages (endomitose), elle est très volumineuse, multinucléée, au cytoplasme éosinophile et à bord net.
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Cellule de Langhans : les noyaux sont en nombre limité et répartis à la périphérie du cytoplasme de manière circulaire ou semi-circulaire (fer à cheval). On retrouve cette cellule plutôt lors de processus infectieux.
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Cellule à corps étranger : les noyaux sont répartis aléatoirement au sein de la cellule. Ce type de cellule peut accumuler jusqu’à plusieurs dizaines de noyau. On retrouve cette cellule plutôt lors granulome à corps étranger.
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Les granulomes sont reconnaissables par leur aspect circonscrit, bien délimité, sphérique. On retrouve un même schéma : une population dense de macrophages, qui peuvent être parfois épithélioïdes ainsi que des cellules géantes multinucléées, plutôt « de Langhans » lors de processus infectieux ou « à corps étranger » lors de corps étranger.
Au centre, on peut parfois observer l’agent causal (corps étranger, parasites, champignons, bactéries etc.), ainsi que des figures de phagocytose. Dans le cas de granulomes immunitaire, le noyau central est nécrotique, composé de débris cellulaires et fibrillaires.
En périphérie, peuvent se disposer d’autres cellules inflammatoires mononuclées comme des lymphocytes et des plasmocytes, plus nombreuses lors de granulome immunitaire. Des fibroblastes peuvent également être observés ainsi que la présence d’une coque conjonctive fibreuse (plus ou moins importante selon la chronicité de la lésion).
En cas d’infiltration étendue, l’aspect devient plus diffus, et on observe une lésion mal délimitée, sans véritable contour. La population cellulaire majoritaire reste les macrophages. Des figures de phagocytose peuvent être remarquées. On ne visualise pas de caséification (zone nécrotique), ni de formation de réelle coque fibreuse, mais de la fibrose plus diffuse. On observe généralement peu de lymphocytes et de plasmocytes.
Une coloration spéciale existe (coloration de Ziehl-Neelsen) pour mettre en évidence des bactéries acido-alcoolo-résistantes comme les mycobactéries (tuberculose) en rose/violet.
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Granulome immunitaire (rate, bovin) : il s’agit d’un granulome tuberculeux dans le cadre d’une infection à Mycobacterium bovis. Sur la photo (1), on reconnait une lésion circulaire avec un centre nécrotique (pointillé point), entouré d’une couche de cellules inflammatoires (pointillé rectangle) et enfin d’une coque fibreuse (trait plein) témoignant d’un processus chronique. Une zone de calcification (*) au centre de la nécrose peut être notée.
Sur la photo (2), on distingue au plus proche de la zone nécrotique une couche granulomateuse (pointillé rectangle simple) composée de macrophages et des cellules géantes multinucléées de Langhans avec des noyaux répartis en périphérie de la cellule (tête de flèche); et plus en périphérie des lymphocytes et plasmocytes (pointillé rectangle double) reconnaissables par l’aspect piqueté basophile que confère leur noyau à cette zone. EnvA
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Granulome à corps étranger (masse abdominale, chien) : on distingue des corps étrangers multifocaux (*) correspondant à des fibres d’une compresse oubliée lors d’une chirurgie. Ils sont observables en position extracellulaire et intracytoplasmique dans les macrophages. On retrouve des macrophages (entourés d’un trait plein) ainsi que des cellules géantes multinucléées (tête de flèches). Des hématies sont également présentes en fond (flèche). EnvA
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Granulome spermatique (testicule, chien) : on distingue la présence de nombreux macrophages associées à de nombreuses figures de phagocytose de spermatozoïdes (tête de flèche) qui sont aperçus au sein de leur cytoplasme. EnvA
Mycobactéries (intestin, chien) : la coloration spéciale de Ziehl-Neelsen permet de colorer des bactéries alcoolo-acido-résistantes en violet (tête de flèche) comme les mycobactéries. EnvA
Granulome éosinophilique :
Rappel :
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Granulocyte éosinophile : cellule au cytoplasme clair, avec un noyau basophile unique plurilobé (généralement bilobé). Ses granulations sont hyper-éosinophiles (rose-orangé) et très visibles dans le cytoplasme.
Il présente généralement le même aspect qu’un granulome classique non immun avec la présence de nombreux granulocytes éosinophiles, mais la lésion peut aussi être plus diffuse. Parfois, les populations cellulaires (notamment en termes de macrophages) peuvent varier ce qui complexifie la classification de cette lésion en tant que réel « granulome ».
Des zones très éosinophiles issues de la dégradation de fibres de collagène et de la dégranulation des éosinophiles peuvent être observées. On parle de « figures de flamme ».
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Granulome éosinophilique (langue, chat) : on observe un infiltrat diffus de granulocytes éosinophiles (tête de flèche) reconnaissables par leur noyau plurilobé et leur cytoplasme très éosinophiles. Des plages de collagénolyse (*) témoin de la dégradation du collagène et de la dégranulation de ces granulocytes. EnvA
Granulomes particuliers :
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Pyogranulome : En cas de pyogranulome, on observe en plus des éléments cellulaires présents lors d'un granulome classique non immun, des granulocytes neutrophiles en quantité variable au centre de la lésion. Du pus peut également être visible.
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Xanthogranulome : il s’agit d’une réaction granulomateuse déclenchée par des dépôts de cholestérol dans le milieu interstitiel qui sont perçus comme des corps étrangers (cf « Les imprégnations lipidiques »). On retrouvera donc des éléments communs aux granulomes non immuns associés à des fentes en forme d’épine optiquement vides correspondant à ces dépôts de cholestérol. Les macrophages peuvent avoir un aspect spumeux causé par la phagocytose des lipides.
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Pyogranulome (masse abdominale, chien) : on distingue la présence de macrophages (tête de flèche) associées à de granulocytes neutrophiles (flèche). Une cellule géante multinucléée est présente au centre (*). EnvA
Xanthogranulome (poumon, chat) : présence de fentes épineuses optiquement vides (*) caractéristiques des dépôts de cholestérol dans le milieu interstitiel. Une réaction granulomateuse est associée, avec des macrophages (tête de flèche) dont certains sont spumeux du fait de la vacuolisation de lipides. Des cellules géantes multinucléées de type corps étranger sont aussi présentes (flèche). EnvA
L’Essentiel
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L’inflammation granulomateuse est une inflammation chronique caractérisée par la prédominance de macrophages et de cellules dérivées (macrophages épithélioïdes, cellules géantes multinucléées) en présence d’agents pathogènes résistants et difficilement dégradables.
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La lésion caractéristique est le granulome, lésion nodulaire et circonscrite :
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Granulome immunitaire : centre nécrotique caséeux, principalement rencontré lors d’atteinte infectieuse.
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Granulome à corps étranger : centre non nécrotique, surtout observé lors de corps étranger.
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Les principales causes d’inflammation granulomateuse sont les corps étrangers, les parasites (notamment helminthes), des agents fongiques et des bactéries.
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Une composante suppurative peut être associée, on parle alors de pyogranulome.
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Des granulocytes éosinophiles peuvent être également observés. On parle alors de granulome éosinophilique et sont surtout rencontrés lors de parasitisme ou du complexe granulome éosinophilique félin.
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Une coloration spéciale est utilisée (coloration de Ziehl-Neelsen) pour mettre en évidence des bactéries acido-alcoolo-résistantes comme les mycobactéries (tuberculose) en rose/violet.